Comment dire ? Normale. Mais vraiment. Vous voyez le genre de fille, que vous croisez dans la rue, sans la remarquer. Discrète et petite. Elle se faufile entre les passants, marche en crabe. Vous n'arrivez pas à la distinguer dans toute cette foule immonde et pressée. Elle passe inaperçue, avec ses cheveux mi courts mi longs. Sa tête ronde et ses yeux en amandes, d'une couleur verte émeraude. Sa bouche fine. Son nez en trompette. Ses dents droites et bien carrées.
Ses bras se balancent de chaque côté de son ventre plat. Elle veut marcher vite, comme tout le monde, mais ses jambes sont trop courtes. Elle a de petits pieds plats, telle une aryenne à l'époque d'Hilter. C'est son petit côté moldu.
Elle aurait voulu être un garçon. Alors elle porte des T-shirts trop longs et des jeans larges. Elle aime les grosses chaussures. C'est son pêché mignon.

Pourquoi rester calme et sereine, alors que dans sa tête, tout explose ? Elle parle, elle crie, elle chante, elle gueule, elle pleure, elle rigole. Mais ça, c'est juste dans sa tête. Dans ses pensées. Réellement, c'est une image. Une image qui ne parle pas, qui ne crie pas, qui ne chante pas, qui ne gueule pas, qui ne pleure pas, qui ne rigole pas. Une statue qui n'a aucun sentiment, aucune humeur. Elle n'aime pas tout ça. Ce n'est pas dans ses habitudes, de s'exprimer. Elle préfère être un modèle. Un modèle de sagesse et de bonté. Mais seulement, elle ne l'est pas. Ni sage. Ni généreuse. Égocentrique. Égoïste. Malhonnête. Méchante. Sale. Sadique. Mais encore une fois, c'est une image. Elle est tout ça, sans l'être réellement. Il lui arrive parfois de se faire quelques folies. Elle lâche un petit sourire discret, un petit rire malsain.

Ne jamais lui dire les choses en face. C'est une des première règle à savoir, si vous tenez à ce que vos secrets soient bien garder. C'est une sangsue. Une mythe. Elle vous colle à la peau, elle vous ronge.

C'est normal, chez elle, de ne rien faire. Juste de penser. S'asseoir sur une chaise et attendre. Elle adore ça. Juste, penser. Se remémorer ses instants de bonheur. Se rappeler de ses jours anciens. Se souvenir de son passé.

Elle aime le rouge. C'est sa couleur préférée. Allez savoir pourquoi. Et les araignées. Vous aimez les araignées ? Elle les adore. Elles ne lui font pas peur. En réalité, ce sont de petites bestioles inoffensives. Dans ses pensées.

Rien d'autre plus important à savoir sur Cannelle, mise à part qu'elle est ponctuelle. Elle n'arrive jamais en retard. Sauf quand c'est volontaire. Si elle n'a pas envie de venir, elle ne vient pas. Elle est insensible à la douleur des autres. Elle s'en contrefiche.

Vous savez, à l'école, c'est pareil. Très bonne élève, sérieuse, travailleuse. Avec de très bonnes notes. N'importe qui serait content à sa place. Mais pas elle. Oh non, ce n'est pas le plus important. Le plus important, ce sont les gens. Leurs opinions. Leurs pensées. Leurs jugements. Elle déteste les moqueries, elle haie le bizutage. Mais seulement dans sa tête.

Le 31 mai 1962, un petit ange est né. Ou du moins, c'est ce que sa famille voit ! 2 heures du matin, Londres. Sa mère est allongée dans le lit d'hôpital, entourée de sa famille. Depuis 10 minutes, tous observent le petit bébé qui vient de naître. Elle s'appelle Cannelle.

5 ans plus tard, 18 novembre 1967. Un nouvel ange est né. C'est sa petite soeur. Toute la famille est de nouveau réunie autour de ce vieux lit qui sent la moisissure et le poisson pourri. Tous observent le petit bébé qui vient de naître. Elle s'appelle Camille. Cannelle est petite, mais elle comprend que cette petite bouille va vite devenir quelqu'un de très important pour elle. Ses yeux brillent, ils sont remplient de larmes de joie. Sûrement la dernière fois que Cannelle exprime une humeur non conventionnelle.

1968. C'est le deuil chez les Downey. Le père du père de Cannelle et Camille vient de mourir. Ils doivent se rendre en Irlande. L'enterrement a lieu dans trois jours. La route est longue, ils prévoient à manger pour le trajet. Camille pleure, elle ne comprend pas. Cannelle semble triste et désarçonnée. Dehors, la pluie tombe fort.

1969. C'est le tour de la mère. Elle s'est suicidée. Elle ne pouvait pas vivre sans son bien aimé. La famille doit de nouveau se rendre en Irlande. Encore une fois, les provisions sont au rendez-vous. Le trajet sera sans doute meilleur que la dernière fois, il fait soleil dehors. Cannelle regarde les rayons jaunes qui illuminent la route. Elle ne bouge pas, elle est assise sur la vieille chaise de la salle à manger.

1970. La foudre a frappé. La maison tombe en ruine à Londres. C'est la panique. Cannelle s'enfuie dans la forêt qui entoure la villa. Camille est couchée dans son berceau, elle crie, elle pleure, elle se dandine de tous les côtés. Pas le temps de la sauver. Les parents sortent de la maison sans elle. Ils pleurent. Elle est morte, le 23 juin 1970. Cannelle a disparu.

1971. Cannelle dort. Elle dort dans une maison. Une grande maison. Elle dort aux côtés d'un jeune homme. Cannelle se réveille. Elle se lève et, comme à son habitude, descend prendre son petit déjeuner.
Nous sommes le 31 mai 1971.
Depuis qu'elle s'est enfuie de chez elle, Cannelle vit ici. C'est un orphelinat.
Lorsque la petite fille s'assoie à sa table habituelle, elle y trouve une lettre. Une lettre écrite à l'encre de la même couleur que ses yeux.
C'est une lettre d'inscription. Dans quelques secondes, Cannelle découvrira un nouveau monde qui changera sa vie.